Un livre comme un grand souffle, qui secoue, bouscule et rafraîchit. Une réflexion intéressante dans le cadre du projet Tous disciples en mission !
D’où s’est-il échappé, ce catholique ? De la pensée unifiée, des règles de bonnes conduites en société qui appellent à rester neutre, à respecter la liberté individuelle, à être tolérant, à ne pas déranger, et donc à taire ses convictions, sa foi, son espérance. Pourquoi se taire ? Risque-t-on le martyre ? La Bonne Nouvelle serait-elle périmée ? L’auteur revendique un catholicisme attestataire loin de la peur, de la tiédeur, de la pudeur, et d’un respect de l’autre mal compris. « Sous le fallacieux prétexte de ne pas déranger, nous avons enfoui le trésor. »
Ce déclic se fera petit à petit grâce à diverses rencontres : un prêtre africain qui lui assène que les Blancs, missionnaires d’hier sont démissionnaires aujourd’hui : « Nous avons mis fin, par orgueil ou par faiblesse, par lâcheté ou par fatigue d’être, à deux mille ans d’histoire apostolique. Nous sommes des dégonflés. » C’est aussi un taximan musulman, un franc-maçon, un prêtre « tradi »… autant de rencontres qui bousculent et posent les questions justes. « J’ai compris que toute rencontre pouvait devenir chemin d ‘Emmaüs ». il n’y a pas de mauvaise rencontre, il y a les indifférents, les hostiles, les bienveillants, les chrétiens qui attendent, et ceux qui attendent d’être chrétien… Ne loupons pas ce rendez-vous ! nous lance l’auteur. La foi est une histoire de cœur, pas une théorie et quand le cœur s’enflamme, les lèvres s’ouvrent…
Son constat : le christianisme d’habitude est voué à l’extinction, broyé par la sécularisation, la marchandisation, le consumérisme, le moijenisme. Le catholicisme traverse plus qu’une crise et est soumis à diverses tentations que développe l’auteur : le déni, l’éternel retour, l’auto-complaisance, le repli identitaire, la folklorisation, la sécularisation tranquille, le découragement geignard ! En réponse, l’auteur propose que le christianisme retrouve sa vocation missionnaire, parolière et vagabonde. Mais comment faire, qui, comment ? Il nous interpelle : Osons le christianisme attestataire, soyons des témoins, disons ce que nous avons vu. Attestons par ce que nous sommes autant que par ce que nous disons. Chacun de nous est témoin, chacun est responsable, chacun est missionnaire car, comme le dit Paul : sans annonce notre foi est vaine. Le monde a besoin de professants, de gens de parole et d’actes. Il faut bouger, se mettre en route, oser dans la confiance en Dieu malgré notre faiblesse comme Moïse, Jérémie, Jonas, Amos… sans se préoccuper du résultat qui ne nous appartient pas, mais en n’enfouissant pas notre talent.
L’auteur croit en un christianisme désarmé riche de valeurs faibles évangéliques : fragilité, gratuité, pauvreté, simplicité, humilité ou charité. Celles-ci sont intemporelles, appartiennent à tous et se multiplient quand elles sont partagées.
Le christianisme n’est plus au centre de la culture contemporaine et l’auteur nous invite à devenir des contestataires de la culture du marché et de la consommation et il en appelle à une « contre-culture », une culture à contre-courant mais ouverte aux réalités d’aujourd’hui loin du tout ou rien longtemps proposé par l’Eglise. Dans une société liquide, le christianisme doit être fluide, capable de se déplacer, de circuler pour porter secours. Ne plus être des phares mais des sauveteurs en mer… Il nous faut aller aux périphéries existentielles selon les mots du pape François, ces lieux que fréquentait Jésus : femme adultère, collecteur d’impôt, pauvres de cœur,… Rejoindre l’homme où il vit, souffre et espère. Et ne pas oublier les découragés de la foi et les blessés de l’Eglise. Chercher à rencontrer les croyants qui se sont éloignés de l’Eglise et réinvestir les espaces de pratiques para-liturgiques qui maintiennent un lien, un rite. Etre là aux grandes bifurcations de la vie humaine : naissance, mort, amour, désamour, violence, souffrance…
En un mot : Là où sont les gens, là doit être l’attestation qu’une nouvelle vie commence.
Jean-Pierre DENIS, Un catholique s’est échappé, Cerf
Brigitte Melis